Découvrez le quotidien de Mr Poulain, dépositaire de presse depuis 39 ans
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Mr Poulain, dépositaire de presse sur le secteur du Littoral revient sur son parcours et les nouveaux enjeux de recrutement dans le milieu de la presse. Plongez dans les coulisses de la distribution de journaux...
Pourriez-vous vous présenter ?
Jean Yves Poulain, je suis dans le réseau depuis 1986, donc je suis un ancien. J’ai commencé par être vendeur colporteur de presse (VCP) pendant à peu près quatre ans et après on m’a proposé la place de dépositaire. J'ai commencé par le dépôt de St Pol sur Ternoise, où on a créé le réseau. En une Semaine il a fallu trouver des VCP, chaque VCP avait un village, à l’époque ils ne faisaient pas plusieurs villages. Le premier jour où j’ai commencé, je m’en rappellerai tout le temps, verglas, on était en plein hiver, le 1er décembre. Ça a été compliqué mais on s’est lancé. Depuis, je suis sur le secteur du Littoral, il y a 156 communes sur mon secteur et il me reste environ une vingtaine de VCP. On a toutes les éditions [de la Voix du Nord. ndlr] sur le dépôt, on a deux livraisons une première avec l’édition principale et une autre avec les autres éditions.
Comment avez-vous commencé votre carrière dans la distribution de presse ?
A l’époque mon beau-frère était dépositaire pour St Pol, il faisait la tournée de St Pol, mais il n’était dépositaire que pour une ville. Il avait besoin d’un deuxième VCP, il m’a proposé et j’y suis allé. Mes beaux-parents étaient propriétaires de la maison de presse de St Pol sur Ternoise. J’ai découvert la presse comme ça, car mon père était maçon donc ça n’a rien à voir et moi j’ai une formation de tourneur fraiseur, mécanicien d’entretien, et puis en fin de compte j’ai une société d’informatique à côté, donc je suis un autodidacte tout simplement.
Comment êtes-vous devenu dépositaire ?
Mon beau-frère voulait arrêter, et à l’époque, il y avait des inspecteurs, l’un d’eux m’a proposé de prendre la place. En fin de compte, il y a eu beaucoup de changements car on rattachait plein de petits dépositaires. Le dépositaire de l’époque c’était le point de vente qui livrait les quelques abonnés qu’il encaissait, il n’y avait pas d’abonnements en prélèvement automatique. Donc on a commencé les contrats avec un raid de 110 étudiants pour créer un réseau, pour recruter des clients supplémentaires et en face il fallait mettre des VCP.
À la suite de ce raid comment s’est passé le recrutement des VCP ?
Bah c’était beaucoup sur le réseau interne des dépositaires locaux qui étaient là et qui se sont agrandis. Ensuite beaucoup de bouche à oreille. Moi comme je faisais des livraisons, je comblais les trous où on n'avait pas trouvé de VCP.
Pouvez-vous nous partager la journée type d’un dépôt ?
Aujourd’hui je ne fais plus de tournée de portage mais je remplace mes VCP, comme aujourd'hui c’est compliqué de trouver des VCP ça m’arrive encore de faire des tournées de portage si un VCP est malade ou arrête du jour au lendemain. Mais c’est plus en dépannage.
La journée type c’est levé 2h du matin, arrivée au dépôt à 3h, là on prépare. Tout est préparé la veille au niveau des bordereaux de livraison (tout ce qui est document de logistique). On sort les voitures, on fait le café, les journaux arrivent, quand ils sont à l’heure et puis on prépare tous les bordereaux, on fait en premier les VCP. Il y a une partie des VCP qui viennent au dépôt et une autre partie qu’on livre sur le trajet de livraison des diffuseurs [il s’agit des points de vente vendant de la presse. Ndlr], étant donné l’étendu de mon secteur.
La journée type du dépôt dépend du milieu où on se trouve, à la campagne c’est plus compliqué qu’en ville. Les VCP qui ont des tournées en ville viennent au dépôt et c’est donc plus facile à gérer.
Quels sont les liens entre le VCP et le DCP ?
Aujourd'hui le téléphone permet de faire plein de choses, c’est moins compliqué qu’avant. Avant si on oubliait un paquet on ne pouvait pas prévenir le VCP, donc tout ça a bien évolué. On communique beaucoup par sms et mail, en fonction des VCP.
Les VCP jouent un rôle central au sein des dépôts, quelles sont les qualités que vous recherchez chez un VCP ?
C’est beaucoup plus complexe qu’auparavant, mine de rien ce n’est pas simple de livrer le bon journal au bon endroit, avant on était sur un travail de volume, maintenant on est sur un travail d’épicier. Il doit donc être ponctuel, organisé, attentif. Il ne suffit pas de connaître le secteur il faut aussi être organisé pour mettre le bon journal, au bon endroit, à la bonne personne. La grande difficulté, elle n’a pas changé et elle ne changera pas, c’est qu’il n’y a pas toujours le nom de la personne qu’on livre sur la boîte aux lettres. En pleine nuit c'est compliqué notamment en France.
En termes de véhicule, les gens qui font de la campagne usent plus leur voiture que ceux qui font de la ville. Les VCP qui font de la campagne rencontrent plusieurs difficultés, ils ont le nombre de kilomètres qu’ils parcourent en plus du temps et ils usent aussi plus leur véhicule et ils ont également le fait que les adresses sont moins bien référencées qu’en ville.
En ville, rencontrez-vous des difficultés propres à ce milieu comme des difficultés d’accès aux immeubles par exemple ?
Je suis concerné sur le Touquet, par exemple, qui devient de plus en plus sécurisé et on rentre dans de moins en moins d’endroits. Ça devient compliqué, il y a beaucoup d’endroits où on pourrait livrer mais la sécurisation l’empêche. Et donc ils doivent passer par la Poste mais l’heure de livraison n’est pas la même. La Poste a des moyens que nous n’avons pas, des voitures électriques, des scooters électriques qui font moins de bruits, mais les VCP travaillent le dimanche et les jours de fête, c’est un plus !
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On ne le précise pas mais les VCP travaillent toute l’année sauf au 1er janvier et au 1er mai, y a-t-il des VCP qui prennent des congés dans votre dépôt ?
On en a quelques-uns qui arrivent à trouver des remplaçants, ils sont très bien organisés donc ça se passe bien, d’autres qui essaient mais sont moins organisés donc c’est plus compliqué. Donc souvent on est obligé de palier ça. Ceux qui travaillent 7 jours sur 7 ce sont des gens de plus de 50 ans, mais la société évolue et donc on n’aura plus ça donc il faut évoluer. Cependant, pour remplacer quelqu’un il faut utiliser les bons outils.
Il y a depuis plusieurs années des changements importants dans les façons d’appréhender sa vie professionnelle, le métier de VCP présente des particularités majeures (travail toute l’année, le matin très tôt, etc.), ces changements au sein de notre société ont-ils eu des impacts sur le recrutement et les effectifs dans votre secteur d’activité ?
Ça a un gros impact, honnêtement lorsque vous recevez quelqu’un et que vous lui dites c’est du 7 jours sur 7, il vous regarde avec des gros yeux. Après vous pouvez avoir des vacances mais il faut se faire remplacer. C'est un métier quand même compliqué, il faut le prendre comme un appoint, moi je le vends toujours de cette façon-là. Il faut le prendre comme un complément de revenu et pas comme un travail à plein temps. Dernièrement ce sont plutôt des retraités que j'ai recrutés. Quand vous avez des gens qui sont partis à la retraite et qui se remettent à travailler 3-4 ans après, ils n’ont pas la performance de quelqu'un de 30 ans, donc on diminue le nombre de journaux sur la tournée.
Au niveau de mes effectifs, c’est plutôt âgé, j’ai quelques jeunes, une partie ce sont des enfants de VCP, donc c’est de famille, ils ont été élevés là-dedans et ça ne les dérange pas plus que ça, il y aussi des gens qui veulent être indépendants, qu’il n'y ait pas quelqu’un derrière leur dos leur dire “fais ceci fais cela”. Je pense qu’il faut insister quand on recrute sur la partie indépendant, où l’organisation vous incombe et quelque part il n'y a pas vraiment de chef, c’est un partage de tâches. Il y en a beaucoup qui se demandent la première fois “je n’ai pas de fiche de paie ?”, non c’est un relevé de commission car ils sont indépendants, ils sont un peu étonnés de la complexité du relevé de commission.
Sur la partie administrative ils sont accompagnés car c’est un régime particulier ?
Oui oui.
Le site de partage ton job a été créé pour faciliter la connaissance du métier de VCP et son recrutement. Comment avez-vous vécu le processus de recrutement via partage ton job ? Le site répond à ces deux objectifs d’après vous ?
Oui c’est un outil très pratique, bien fait. L'article qui passe dans le journal et sur Facebook appuie les candidatures. Que ça soit Partage ton job, de l’affiche ou Leboncoin, les gens qui ne connaissent pas le métier, le découvrent et ça plait ou non. Partage ton job c’est un plus, c’est bien, c’est facile, mes derniers recrutements c’est Partage ton Job.
Recherchez-vous d’autres candidats que ça soit actuellement ou pour des remplacements à venir ?
On est toujours à la recherche de candidats que ça soit pour des remplacements ou autre, on n'est jamais à l’abris que quelqu’un soit malade. Et puis j’essaie de voir avec mes VCP, mais c’est très dur à mettre en place, c’est d’avoir un super VCP “volant” qui sache remplacer plusieurs tournées pour qu’un VCP ait plusieurs journées dans la semaine ou que s’il ait un mariage ils puissent y aller. On est en 2025, donc on doit, selon moi, évoluer et proposer de la flexibilité à nos VCP car sans eux on n'est pas grand-chose. Et un dépôt peut vitre être dégradé si on a des VCP de qualité qui partent pour plusieurs raisons.
L'évolution du métier doit se poser la question : faut-il encore travailler 7 jours sur 7. Pour moi non, 4 jours-3 jours même si les commissions sont peut-être moindres. Il faut qu’on puisse au moins soulager un vendeur qui a la grippe.